La France championne du monde du bois

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Fordaq JT
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C'est Julien Lecarme d'ICCB (Les Compagnons du Devoir) qui le souligne : en cumulant une médaille d'or, une médaille d'agent et un prix d'excellence aux Worldskills dans les disciplines de la menuiserie, de la charpente et de l'ébénisterie, la France atteint de fait une performance au top mondial pour les métiers du bois. Et ça tombe bien, car le médaillé charpente, Mario Bel, est présent au Mondial du Bâtiment, et même à l'oeuvre, avant de poursuivre son tour de France par un long séjour en Nouvelle-Zélande. 

Bon, il n'a pas été porté au pinacle dans le carré bois du hall 6, ni reçu par l'Elysée du bois. Il faut aller le chercher dans le coin de l'outillage portatif, hall 5b, où il va passer le salon à bâtir un peu comme à Abu Dhabi, en se servant des outils mis à disposition. Sympathique présence aussi d'Axel Mellerin, médaille de bronze de l'édition précédente à Sao Paulo, qui était déjà venu prêter main forte à l'équipe de France avant l'épreuve d'octobre dernier. 

Il faut savoir que dans le domaine de la charpente, deux épreuves internationales se battent en duel : le championnant d'Europe des jeunes charpentiers de la Fédération Timber Construction Europe, et les Worldskills. Dans les deux cas, l'épreuve dure 22 heures. Dans les deux cas, pour l'heure, l'épure et le trait de charpente jouent un grand rôle. Mais l'épreuve mondiale veut inciter à participer, même quand les candidats ne maîtrisent pas la dernière complexité de l'épreuve. Celle-ci est donc étagée en modules de complexité croissante.

Les Français sont fortiches pas forcément toujours à cause des Compagnons mais ça aide. par exemple, Mario Bel ne voit pas tellement où est le problème d'avoir passé ses soirées et ses week-end un an durant à s'entraîner pour l'épreuve. "Les cours, c'est entre 20h et 22h après le travail, donc on est habitués. c'est vrai qu'il faut être passionné". Mario a remporté l'épreuve régionale en Bretagne, puis l'épreuve nationale à Bordeaux, et il s'est fait coiffer in fine par un Coréen. Les Coréens sont des champions de Wordskills et font preuve d'une rigueur extrême. Un Coréen vient d'ailleurs de battre le record du monde du Rubik's Cube en moins de 5 secondes. Le trait de charpente n'est pas forcément dans leur culture (pas plus que le Rubik's Cube) mais ils s'adaptent de façon étonnante. Pourtant, Mario Bel, le week end, il se faisait comme ça une petite épreuve de 22 heures, histoire de ne pas perdre la main. En plus du travail de la semaine et des soirées de perfectionnement. Les Coréens n'avaient pas n'importe qui en face, du moins pour ce qui concerne l'épreuve charpente. 

Selon Mario, en Allemagne, les charpentiers sont considérés autant que des médecins, ils peuvent se permettre de se trimballer dans leurs tenues loufoques. Cela rend d'autant plus glorieux la performance française. ALors, de quoi s'agit-il en fait ? Les outils sont fournis par le sponsor, Festool lors des Worlskills en Allemagne, Stanley depuis. Les outils manuels, sont au libre choix et Mario explique qu'il va affiner les lames, par exemple. Pour ce qui concerne le bois, c'est la surprise du pays organisateur. Au Japon, ce fut du résineux très tendre, à Abu Dhabi du bois exotique. Il faut savoir s'adapter. 

L'épreuve se gagne en général par la perfection de l'épure. Mais il faut aussi bien doser ses efforts et à cette fin, la première heure de l'épreuve se passe sans outils, dans l'analyse du projet, afin de bien comprendre où il faudra faire particulièrement attention. Après l'épure, on taille les pièces qui sont alors évaluées avant le montage. Mario Bal explique qu'à la différence de son co-équipier arrivé second à Bordeaux, il était moins rapide à la taille des pièces, alors il s'est entraîné, il a étudié l'ergonomie de ses gestes, pleins de détails. 

Quand on fait une erreur à l'épure, cela a des conséquences au montage. Au concours européen, pas le droit de retoucher, aux Worldskills si mais avec des pénalités. Mais à quoi ça sert, tout ça, finalement ? Un jeune de moins de 23 ans fait une belle expérience. Sa préparation change en général sa façon de travailler, il est méticuleux, organisé: "Par exemple, j'avais un endroit pour les chutes, comme ça, je ne risquait pas de trébucher dessus". Les chantiers aujourd'hui ne se passent pas comme à l'épreuve mais la rigueur est aussi un gage de sécurité, de sérénité. Ce qui doit ensuite être passionnant et particulièrement formateur, c'est la confrontation avec les habitudes étrangères, comme en Nouvelle-Zélande, Marion Bel ayant choisi l'option très lointaine. Que le tour de France intègre aujourd'hui une étape internationale est déjà top, mais on pourrait rêver d'un super tour soutenu par la France, permettant aux jeunes de cette excellence de faire vraiment un tour du monde utile. En attendant, un Compagon s'engage à restituer son savoir acquis pendant trois ans. Ajouter à cela une éthique anti-frime et c'est comme cela que passe à peu près inaperçu un modèle incroyable. 

Qu'on se le dise tout de même : si le gouvernement veut lancer une fois de plus un grand plan de formation, le modèle emblématique, c'est celui-là. Même si l'abnégation y va si loin qu'on se croirait presque dans une sorte d'ordre religieux. Quel gap entre cette démarche presque intemporelle et la réalité des chantiers français d'aujourd'hui ? Comment concilier tout cela ? 

Les tours en bois, SVP, confiez-les à des Compagnons, pas à des Numérobis. Car si ça rate, toute la filière bois va en pâtir, y compris les Compagnons, et ce serait pas juste.

 

 

 

Légendes

Mario Bel, médaillé d'argent aux Wordskills 2017 à Abu Dhabi.

Mario Bel et Axel Mellerin, complices à Batimat.

Julien Lecarme, ICCB, en discussion avec Mari Bel. Les sponsors de l'opération Batimat s'affichent, dont Steico.

Mario Bel, déjà un petit air All Blacks

Passer les soirées et les weekends à préparer l'épreuve, on dirait que ça leur a fait du bien !

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