Le monde tousse, la Chine sans grumes

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Fordaq JT
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L'année 2022 commence sur l'entrée en vigueur de la RE2020 et l'arrêt russe des exportations de grumes, notamment vers la Chine. 

Côté RE2020, il n'y a pas de réactions comme quoi la réglementation ne serait pas applicable à cause de retards des logiciels de thermiciens. Par contre, la déclaration attendue pour clore les débats des réunions interministérielles sur la réglementation incendie du biosourcé n'a pas eu lieu comme annoncé avant le début de cette année et place la filière bois dans une situation inconfortable au moment où démarre la RE2020. 

Second point d'inconfort, l'embargo sur l'exportation des grumes russes. Peu de nouvelles ont filtré mais il semble bien que l'embargo s'applique sur les grumes de résineux en recul constant depuis de nombreuses années (6 à 7 millions de m3) et les grumes de feuillus de valeur (à peu près autant). Le bouleau semble être exclu, une bonne nouvelle pour l'industrie finlandaise. La valeur des exportations de grumes russes est environ d'un milliard de dollars par an et on estime qu'il s'agit de l'équivalent de 12% du trafic mondial de grumes. Surtout, l'embargo sur les grumes va toucher la Chine même si il est difficile de savoir si la transformation en cubes contournera l'embargo. 

Il est donc tôt pour dire que l'embargo russe créera un appel d'air chinois et que l'activité d'achats de grumes en Europe s'en trouvera décuplée. C'est possible même sans embargo pour des raisons structurelles générales. 

Par contre, les bruits de bottes insistant en Ukraine risquent bien de faire beaucoup plus d'effet. Les analystes semblent convenir sur le fait que la Russie écraserait l'Ukraine. En Europe, l'opinion publique place l'Ukraine sous le bouclier américain mais elle se trompe et le réveil pourrait être douloureux. La réalité d'une agression est un peu aseptisée à la mode du Rivage des Syrtes par la longue histoire du conflit et les fêtes de fin d'années en plein COVID. Madame Merkel a quitté la barque et la nouvelle ministre des affaires étrangères allemande, candidate à la chancellerie pour les Verts, ne doit pas inspirer un grand respect au président russe. Ce dernier peut aussi tirer profit de la montée aux affaires européennes d'un président français qui a estimé l'OTAN en état de mort cérébrale, tandis que la stratégie américaine de 2010 tend à concentrer toute l'activité sur l'endiguement de la Chine. Au jeu des menaces, les Russes se montrent plus forts. Exclure les Russes du système Swift ? Ne pas mettre en service Northstream II ? On tremble. 

Mais justement, cette obsession américaine anti-chinoise peut aussi nous sauver car on sent une volonté de négociation et d'apaisement avec la Russie, potentiel allié chinois. Avec le risque que ce soit interprété comme faiblesse.  

Les conséquences d'une agression russe contre l'Ukraine seraient massives côté bois, car on ne peut ni s'imaginer que les relations commerciales resteraient cordiales avec l'Europe pour l'exportation de sciage, ni que l'économie forestière ukrainienne ne serait pas affectée directement. Par ricochet, l'industrie européenne du bois, que ce soit des machines ou des panneaux de process, mais aussi celle qui exporte des produits finis vers la Russie, serait touchée. Et cela peut se produire quel que soit le niveau d'intensité de l'agression, mais bien sûr, au cas où elle intervient. Si les choses s'éternisent, cet attroupement reste comme une épée de Damoclès qui s'ajoute au yoyo des bourses du bois américaines.  

Le spectre d'une Chine prédatrice ne doit pas faire oublier le risque massif de cette seconde accumulation de troupes sur la frontière de l'Ukraine. Ce n'est pas parce que la Russie a plus ou moins retiré ses troupes la dernière fois que cela se passera forcément ainsi maintenant. 

Dans les deux cas, le climat est à la hausse du prix de la matière première ligneuse, même si l'absence de solutions quant à la réglementation incendie de la construction biosourcée torpille de fait les bénéfices écologiques de la RE2020, du moins dans un premier temps. 

La conjonction d'une pénurie de bois et d'une incertitude sur la réglementation incendie pourrait stopper en France la grande embellie actuelle de la construction bois. On peut difficilement agir sur la bourse américaine, les décisions sylvicoles chinoises ou les manoeuvres militaires russes. Mais sur la réglementation incendie, oui. C'est une bagatelle à côté. Sauf si on laisse la situation pourrir. 

Pour 2022, souhaitons qu'un accord de paix soit signé en Ukraine, et entre les ministères français qui s'occupe de la réglementation incendie de la construction biosourcée. 

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